samedi 24 octobre 2009

QUATRAINS OMAR KHAYYAM

Celui qui fit la coupe aime aussi la briser!
Chers visages si beaux, et seins doux au baiser
Par quel amour créés, détruits par quelle haine
Périssez-vous, trésors de cette fleur humaine?


Étreins bien ton amour, bois son regard si beau,
Et sa voix, et ses chants, avant que le tombeau
Te garde, pauvre amant, poussière en la poussière,
Sans chansons, sans chanteuse amie, et sans lumière.


Puisque ce monde est triste et que ton âme pure,
O mon amie, un jour, doit aller chez les morts,
Oh ! viens t’asseoir parmi les fleurs sur la verdure,
Avant que d’autres fleurs s’élèvent de nos corps.


Que vos pas soient légers à ces mousses fleuries,
Près de ces flots riants comme des pierreries,
Car on ne peut savoir de quelles lèvres douces
Et mortes, ont jailli ces fleurs parmi ces mousses.



L’homme est une poupée en la main d’un géant
Nous sommes des jouets sur le damier des êtres,
Et le quittons bientôt pour rentrer au néant,
Dans la botte et dans l’ombre où les vers sont nos maîtres.


Cloué, les yeux fermés, sur les hauts murs de Khous,
Pend l’affreux chef saignant du fier Key-Kavous.
Sur son crâne un corbeau crie en raillant sa gloire,
Où sont tes clairons d’or qui sonnaient ta victoire?


Que d’êtres non vivants qui vivent sur la terre !
Que d’autres enfouis au séjour du mystère !
Et devant ce désert du néant, je me dis
Que d’êtres y viendront, combien en sont partis !


Tu vis donc se fermer, plein d’adorables choses,
Ce livre, ta jeunesse, et se mourir les roses
Du jardin, d’où l’oiseau d’hier s’est envolé...
— Où, pourquoi, qui le sait? Où s’en est-il allé?


Sois jaloux en voyant la rose qui s’effeuille;
Elle sourit et dit à celui qui la cueille
Déchirant le cordon de ma ceinture, enfin,
Je répands mes trésors d’amour sur le jardin!


Comme l’aube écartait le rideau de la nuit,
Quelqu’un de la taverne a crié : le temps fuit;
Remplis ta coupe avec la liqueur de la vie,
Et sois ivre, avant l’heure où la source est tarie.


Toute espérance est vaine où notre cœur s’endort,
Et cendre elle devient; car tout va vers la mort.
Dans le désert ainsi disparaît la lumière
De la neige, éclairant sa face de poussière.



Eux-mêmes les savants, ces scrutateurs des causes,
Sans cesse poursuivant la vérité qui fuit,
N’ont pu faire un seul pas hors de l’ombre des choses,
Et, nous contant leur fable, ils rentrent dans la nuit.


Allah, Toi qui parfois T’endors, puis Te réveilles,
Te caches, puis soudain brilles en des merveilles,
Essence du spectacle, autant que spectateur
Serait-ce pour Toi seul que Tu T’en fais l’auteur?


Ce monde, moins que rien, n’est qu’un rêve pour Lui;
Sa splendeur, soleil d’or qui jaillit de la nuit,
Une heure fait briller des poussières d’atomes
— Et tout cela, vaine apparence de fantômes!


Nous sommes descendus très bas, et cette vie,
Où nous venions trop tard peut-être, a contenté
Si mal en ses désirs notre âme inassouvie,
Qu’il lui plaît de sortir d’un monde sans beauté.


Voici le printemps clair où les lys vont renaître,
Où, comme ravivé du souffle de Jésus,
Le rosier va fleurir, et le ciel au-dessus
Verser des pleurs d’amour, en pensant à son Maître.

OMAR KHAYYAM

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